
(c) Yvan Clédat
Le Père Ubu, donc. Tel que l’a imaginé son génial et iconoclaste géniteur : lâche, traître, bête, gros, goinfre et méchant comme seul un enfant peut l’être ! Avec pour principale conseillère sa non moins délicieuse femme : la Mère Ubu, lady Macbeth de pacotille, bouffonne, manipulatrice, odieusement dégueulasse.
D’abord, le dispositif scénique : quadrifrontal, qui permet au spectateur d’être au cœur de l’action – des tapis au sol en mousse figurent un gymnase. Y trône, bien sûr, Super-Ubu, qui fait régner la terreur par l’aérobic (Véronique et Davina comme métaphore des fascismes à venir, une belle trouvaille !).
C’est très intense, très physique. Les comédiens surjouent le drame (pour notre plus grand bonheur), habillés de justaucorps qui nous feraient penser que celui de Superman a été créé par un styliste janséniste !
Olivier Martin-Salvan (metteur en scène et rôle-titre) saisit tout cela avec une alacrité salvatrice. Et une lucidité sans faille. Formidable Ubu ! Inquiétant et minable ! Bébé vagissant et cruel despote ! Hénaurme ! Et toute la troupe est au diapason ! Des tronches, des trognes ! De grands et beaux talents (et ce n’est pas, lecteur de I/O, la canicule qui nous échauffe).
La leçon de Jarry nous est joyeusement (et pleinement) restituée : refuser ces gros enfoirés, ces malotrus, ces malfaisants qui nous gouvernent ; ces Machiavel aux petits pieds qui nous baisent la gueule à longueur de jours ouvrés.
Le soir où nous avons assisté à la représentation (« Ubu » est un spectacle itinérant), nous avons fait 40 kilomètres pour voir la pièce. Cornegidouille, ce n’était rien au regard du plaisir que nous avons pris !
Oui, nous avons vécu une sacrée soirée, comme aurait pu le dire un autre (et bien triste) bouffon, mais fort heureusement passé de mode, celui-là !