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Ceci n'est plus mon corps - I/O Gazette
La gazette des festivals Théâtre, Danse, Musique, Cinéma, Arts plastiques, Livres, Culture

© Christophe Raynaud de Lage

Grouillant d’archives attendues et de souvenirs plus imprévus, cette nouvelle histoire du festival d’Avignon – succédant au feuilleton déjà historique de Thomas Jolly en 2016 – développe en négatif une stimulante histoire des corps. 

Les premières évocations de Gérard Philipe et d’autres mythiques “acteurs de plein air“ tournent à la parodie parce que le régime actoriel des grands maîtres semble lointain pour les jeunes interprètes de la Manufacture. Se révèle alors tout l’écart entre le vieux corps instrument et le corps contemporain, agentivisé, intègre, lassé d’investir d’autres puissances que la sienne et d’être le réceptacle du grand Verbe. Dramaturgiquement, le montage archiviste de Fanny de Chaillé est très opérant parce qu’il réussit à ficher dans un dé à coudre spectaculaire (1h40 de mémoires, de la création vilarienne à 2023) toute la beauté barométrique d’un festival.

En effet, nous comprenons comme jamais combien Avignon a cristallisé et catalysé un certain esprit du temps ; combien le festival, dans l’arbitraire de sa programmation, de Godard à Chaillon, est toujours resté le poumon vibrant de l’époque ; combien sa petite niche utopiste est un vivier capital de révolutions esthético-politiques. Formellement, le spectacle oscille entre des séquences très vivantes et d’autres plus régulées, moins critiques. Comme ces nombreuses évocations chorégraphiées, fugacement photographiques, des corps anciens, dans lesquelles nous mesurons moins ce qui se joue performativement pour les interprètes contemporains ; dans lesquelles l’Histoire est moins située que reconstituée.

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