Une marionnette et trois manipulateurs : c’est sur ce rapport inégal que s’appuie la dramaturgie drolatique du spectacle, savoureuse mais frustrante. La marionnette soudain dotée de conscience refuse de jouer le rôle qu’on lui a assigné et rêve à des chemins de traverse car après tout « comment raconter une histoire quand on y croit plus ? ». Pour se sortir de cette impasse, ils décident tous les quatre de procéder à un vote, évidemment perdu d’avance pour l’être de bois, seul, dans son désir de liberté. En interrogeant la pertinence du vote comme processus de choix dans une démocratie, Cécile Maidon, Noémie Vincart et Michel Vallée (irrésistibles) ouvrent un champ impensé et passionnant et quoi de mieux que l’art marionnettique pour s’y atteler ? Si les questions sont justes, les réponses manquent. Alors certes, le vote du public rétablit une apparente justice, tout à la cause de la marionnette après un discours de campagne convaincant mais les affres du pouvoir n’épargnent pas le pantin qui se désarticule devant les paillettes du pouvoir. Si le fil de la démocratie participative se distend, celui, magnifique, de la vie de la marionnette finit en beauté. Car, nous dit-on justement, ce ne sont pas les manipulateurs qui donnent leur âme aux marionnettes mais bien les yeux du public qui oublient très vite les chairs et les fils pour croire en l’existence de l’objet. D’une belle maîtrise technique, « Pouvoir » porte haut l’art de la marionnette et prouve dans une magnifique scène finale que nous avons raison de croire en l’impossible.