© David Ospina

« Limbo » est un doux « Outrage au public. » Là où le texte de Peter Handke cherchait, en faisant tomber la fable, à réinvestir les puissances primaires de la représentation – Handke y exaltait notamment la commune présence des corps et des souffles – « Limbo » tente de brouiller après lui les lignes claires, logiques et signifiantes de la conférence pour faire advenir un événement purement vivant. Le spectacle d’Amélie Dallaire prend alors la forme d’une conférence instable, aussi grouillante qu’un vivarium d’insectes à taille humaine. Le plan tracé en trop petit sur le tableau blanc n’est jamais lu ni suivi ; les gros gribouillis, la bougeotte des nez et les pensées rhizomatiques deviennent la seule rhétorique du moment. Forme espiègle et pourtant toujours tremblée par la chaise vide d’une absente, « Limbo » est une ode un peu trop discursive, mais à la qualité de surprise et de présent véritables, à la vie éphémère sécrétée par le théâtre. À un art qui n’a jamais peur du vide et qui n’oublie jamais ses mort·e·s. À son allure d’insectarium – lieu frontal où la vie des un·e·s, assis·e·s mais pas collé·e·s, contemple énergiquement l’agitation désépinglée des autres.