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La mémoire n’est pas un palimpseste - I/O Gazette
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© Nurith Wagner Strauss

La mémoire familiale nous hante, il semble impossible de s’en extraire. Kornél Mundruczó et le Proton Theatre se saisissent de cette fatalité par le prisme de l’identité juive à travers trois générations, entre Budapest et Berlin, dans une mise en scène conscrite où le débordement transgressif n’advient pas.

Autour du texte de Kata Wéber, « Parallax » est une matière recyclée, fruit des différents objets artistiques précédents, « Evolution », spectacle musical puis film. Si l’ombre sonore rappelle la gravité du requiem de Ligeti, le premier tableau est un copier-coller du long plan-séquence du film. Sur le plateau, le metteur en scène recrée un studio de tournage, l’appartement de la grand-mère, seul espace du spectacle. Le dispositif scénique emprisonne le jeu même lorsque le studio devient décor, avec l’abattement littéral du quatrième mur. Ce choix n’est pas compensé par le son et les lumières qui ne créent pas ce débordement tant attendu.

Pour le premier volet, le choix de la vidéo crée d’emblée une distance avec le public. Enfermées dans cette boîte, les propos dérangeants de la mère et de la fille ne nous bousculent pas. Cet entre-deux demeure même lorsque Jonas, le petit-fils, organise une soirée orgiaque dans l’appartement de sa défunte grand-mère. Dans ce combat héréditaire, il faut du sang, des larmes et de la salive. Il n’en est rien ; la transgression est tristement superficielle. Impatiemment mais en vain, le spectateur attend le retour de l’explosion scénographique, l’engloutissement fleuve du souvenir passé, seul moment de grâce.

Seule la froide substance du discours surgit, véritable intérêt du spectacle. L’unité de lieu crée le trait d’union d’une génération à l’autre, cristallisation des maux trans et intergénérationnels. Le trauma passé, constitutif de l’identité juive, transperce la lignée familiale qui s’en saisit dans son contexte générationnel. Marquée du sceau de sa judéité, la grand-mère s’oppose à sa fille berlinoise qui veut en tirer avantage, pour se faire justice des traumas passés. La dernière génération la relaie au second plan, pour son identité d’homosexuel. Or, toute identité marginale semble s’ériger comme un obstacle aux libertés individuelles, surtout dans une Hongrie homophobe. La réconciliation advient, enfin. Tel un dibbouk, la grand-mère apparaît pour embrasser la danse, joyeuse célébration de cette fatale mémoire.

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