Retour sur l’origine et les enjeux du festival vannetais, en compagnie de l’ancienne directrice des Scènes du Golfe, Ghislaine Gouby, et d’Arnaud Cathrine, conseiller littéraire.
Des rencontres littéraires (Alice Zeniter, Marie-Hélène Lafon, Tania de Montaigne), des dialogues, Rima Abul Malak et Falmarès, des spectacles, Ultramarins (Marion Lévy, Mariette Navarro et Léo Nivot), Music-Hall Colette (Cléo Sénia et Léna Breban), et des concerts, Clara Ysé, André Manoukian et Rosemary Standley… Cette année, les Emancipéés (avec deux “é” pour marquer l’égalité), le festival de littérature, chanson et autres libertés, s’agrandit à la demande de la ville de Vannes, en proposant une scène extérieure sur le port avec l’Echonova, et s’ouvre à de nouvelles écritures rap et pop.
Comment sont nées les Emancipéés ?
Ghislaine Gouby : L’idée est venue des artistes. Je côtoyais des chanteurs et des écrivains, et je constatais que les chanteurs aimaient la littérature et que les écrivains aimaient la chanson. Chaque écrivain a sa musique, chaque chanteur a une écriture, qui peut être qualifiée de poésie. Pour moi, la chanson est un art majeur, contrairement à ce que pense Gainsbourg. Il y avait quelque chose à creuser sur cette ligne. C’était il y a sept ans…
Et donc vous vous avez eu l’envie de créer un festival ?
GG : Oui, un festival autour de la littérature, de la chanson, et des rencontres qui en émanent. L’idée, c’est que les artistes fassent un pas de côté par rapport à leurs habitudes. Et j’ai demandé à Arnaud Cathrine si ça l’intéressait d’être mon conseiller littéraire. On voulait créer des espaces et des temps de rencontres pour que les artistes puissent travailler cinq, huit, ou dix jours en amont.
Quel était votre rôle de conseiller littéraire ?
Arnaud Cathrine : On est tombés en amitié avec Ghislaine et on s’est formidablement entendus. Elle savait que je consacre la moitié de ma vie au conseil littéraire pour Les Correspondances de Manosque, la Maison de la poésie à Paris, et un festival à Nevers qui s’appelle Tandem. Ghislaine songeait à créer un festival pluridisciplinaire pour faire une place à la chanson. On a inventé notre façon de travailler. Les Emancipéés, c’est des coups de cœur !
Vous proposez souvent des rencontres entre des artistes de discipline différente ? Comment imaginez-vous ces dialogues ?
AC : On commence par les auteurs et les autrices. On leur donne carte blanche, il nous arrive aussi de marier des gens. Cette année, Gislaine m’a dit : « Ce serait bien qu’on ait Maria Pourchet avec « Western »” et j’ai eu l’idée de Rubin Steiner. Le but, c’est que les artistes sortent de la promotion et se fassent plaisir. Deux sur trois savent avec qui ils voudraient travailler. Les festivals de création littéraires sont nés avec Manosque, je le dis sans immodestie, il y a 25 ans maintenant, mais ils se sont développés : Le Printemps du livre à Grenoble, L’Escale du livre à Bordeaux. Il y a encore vingt ans, je disais à un écrivain : “Avec qui aimerais-tu partager la scène ?” Aujourd’hui, le processus s’est inversé. Les auteurs ont pris goût à la scène.
Qu’est-ce que que la musique apporte à la littérature ?
GG : La majorité des écrivains se relisent à voix haute. Ils ont besoin d’entendre leur musique. C’est précisément la rencontre entre deux sons, deux musicalités. Ces rencontres apportent de la nuance, de la créativité, des surprises, des pensées. Ce sont des dialogues inédits dans une liberté absolue.
Quels sont vos plus beaux souvenirs en sept ans ?
GG : L’entretien entre Christine Angot et sa fille Léonor. C’était absolument merveilleux. Une mère écrivaine et sa fille plasticienne qui s’entretenaient sur l’art, sur l’intimité, sur ce qui est arrivé à Christine Angot. Je pense aussi à Vincent Dedienne qui lisait un texte d’Hervé Guibert, ou à Claire Chazal venue lire Nina Bouraoui.
AC : Le ballet d’Ukraine. La guerre avait démarré. Ils sont restés une semaine et il y avait une tension particulière. Après, j’ai beaucoup de supers souvenirs ici. J’ai adoré venir avec Virginie Despentes, parce que c’est une femme avec qui j’avais envie de travailler depuis longtemps. J’étais impressionné.
Vous êtes écrivain. Pourquoi consacrer la moitié de votre temps aux écritures des autres ?
AC : Je suis un fan, j’aime admirer. J’adore les mettre en lumière. Et j’aime vivre dans les théâtres. Dans n’importe quelle salle de théâtre, je vibre.